Exposition « Gustave Doré, l’imaginaire au pouvoir » au Musée d’Orsay de Paris
De tous les illustrateurs des Contes de Charles Perrault, Gustave Doré (1832-1883) occupe une place particulière. Ses représentations connaissent en effet un succès immédiat et une diffusion très importante. La puissance de l’imaginaire de Gustave Doré est considérable et continue aujourd’hui d’influencer nos artistes contemporains, en particulier le monde du cinéma des productions Walt Disney à la saga Harry Potter sans oublier les réalisateurs Terry Guilliam, Tim Burton ou Roman Polanski. Du 18 février au 11 mai 2014, une grande rétrospective réunissant plus de cent cinquante œuvres était organisée au Musée d’Orsay de Paris, la dernière rétrospective majeure datant de 1983. Pour Edouard Papet, commissaire général de l’exposition, « l’œuvre d’illustrateur demeure la plus connue de la production foisonnante de Doré. Il semblait indispensable de mettre en lumière tous les aspects de son talent ». A la fois peintre, sculpteur, illustrateur, aquarelliste, Gustave Doré est un artiste complet et son œuvre est colossale : dix mille gravures, des milliers de dessins et aquarelles, plus de deux cents tableaux et quarante cinq sculptures. Une exposition au Musée d’Orsay permettait ainsi de replacer cet artiste dans l’histoire de l’Art du XIXe
L’itinéraire de Gustave Doré est celui d’un enfant prodige autodidacte. Soutenu par Charles Philipon (1800-1862), directeur du journal satirique Charivari, le jeune homme se fait d’abord un nom dans le monde de la caricature. Sa formation est atypique, Doré ne sortant pas de l’atelier d’un peintre renommé. Sa connaissance des grands maîtres et de l’imagerie populaire forgent sa culture, imprègnent son style et font sa particularité. L’illustration des Œuvres de François Rabelais en 1854 est un succès et lui ouvre, à 22 ans, la voie d’une carrière d’illustrateur. Ambitieux, Doré élabore un vaste programme éditorial et déclare en 1855 vouloir « faire dans un format uniforme et devant faire collection tous les chefs-d’œuvre de la littérature, soit épique, soit comique, soit tragique. » L’illustration de L’Enfer de Dante en 1861 et son succès critique et éditorial confortent ce projet de « littérature mondiale illustrée ». Le format luxueux des grands in-folio met en valeur l’illustration en pleine page. Le lecteur doit interrompre sa lecture pour entrer dans l’image comme dans un tableau.
Les Contes de Perrault paraissent en 1862 chez Hetzel et offrent selon l’artiste un « contrepoint merveilleux, divertissant, spirituel, émouvant jusque dans le comique au merveilleux funèbre, tragique et ardu » de L’Enfer de Dante. Liés au monde de l’enfance, les contes expriment des thèmes et des symboliques universels qui touchent directement Gustave Doré. Entre rêve et réalité, romantisme et réalisme, l’artiste mélange les registres et les transcende avec un sens aigu du spectaculaire, du grotesque et du sublime. Les illustrations de Doré ne se limitent pas au texte et deviennent des œuvres miroirs d’où transparaissent la personnalité et la psychologie de l’artiste.
Les années 1860 marquent le sommet de l’activité de Doré. Les publications sont nombreuses et complètent son projet de bibliothèque idéale (Don Quichotte de Cervantès en 1863, La Bible selon la Vulgate en 1866, Les Fables de La Fontaine en 1867). Malgré son succès, Doré souffre du mépris pour l’illustration considérée dans la hiérarchie des arts du XIXe siècle comme un art mineur et populaire. En quête de reconnaissance, il cherche à s’imposer comme peintre et délaisse l’illustration dans les années 1870. A contre-courant des modes et des révolutions picturales telles que l’impressionnisme, Doré reste un sculpteur et un peintre malheureux attaqué par la critique.
Pour redécouvrir toute la richesse de l’œuvre de cet artiste unique, rdv sur le site de la Bibliothèque nationale de France (BNF) qui a mené un vaste chantier de numérisation. Cliquez ici pour la voir.
A lire : catalogue de l’exposition « Gustave Doré, l’imaginaire au pouvoir », coédition Musée d’Orsay, Flammarion, 336 pages, 45 euros
Christophe Leray